Quel rôle doit jouer l’éducation dans la prévention de la violence et de l’extrémisme violent au Sahel ?
Face à la montée de l’extrémisme violent dans beaucoup de pays, de nombreuses voix se sont élevées au niveau international en vue de prendre des mesures pour lutter contre le phénomène vu les conséquences que cela a sur les enfants et les jeunes et du rôle que ces derniers peuvent jouer dans le cadre de la prévention. C’est ainsi que voit le jour en 2015, le Plan d’action du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention de l’extrémisme violent qui reconnaît que la qualité de l’éducation est fondamentale pour s’attaquer aux causes de ce phénomène. Même si d’aucuns affirment qu’il manque de preuves concrètes concernant les activités de l’éducation à prévenir l’EV, il n’en demeure pas moins que l’éducation est généralement admise comme un facteur de prévention, en tant que « puissance douce » (« soft power ») car elle participe à l’ouverture d’esprit des apprenants, renforce leur résilience et favorise leur engagement en faveur de la paix et de la non-violence. L’éducation permet donc de faire face à l’ignorance et à l’obscurantisme, pour prévenir et endiguer l’émancipation des facteurs d’attraction et de répulsion qui constituent dans la plupart des cas les éléments déclencheurs qui sont à la base de certaines idéologies et de certains actes extrémistes violents.
Toutefois, pour que l’éducation puisse pleinement jouer son rôle de vecteur de promotion de la paix et de la non-violence, il convient de rappeler qu’un certain nombre de mesures/réformes doivent être prises par les pays touchés par ce phénomène notamment au Sahel afin que les systèmes éducatifs de ces pays puissent être résilient pour faire face aux différents chocs.
L’objet de cet article est de donner quelques pistes de réflexions non exhaustives de comment l’éducation de manière générale pourrait contribuer à réduire et à prévenir la PEV au Sahel, en mettant notamment l’accent sur son rôle de catalyseur pour prévenir la montée en puissances des idées extrémistes mais aussi des réformes qui nous semble nécessaires à opérer au sein des systèmes éducatifs dans les pays du Sahel en vue de prendre en compte les nouvelles évolutions sociétales.
Une éducation de qualité pourrait réduire les facteurs sous-jacents de l’extrémisme violent
La qualité de l’éducation est primordiale pour contrer les idées extrémistes et promouvoir un environnement exempt de toutes formes de violences. Pour ce faire, les Etats du Sahel doivent mettre en avant une éducation accessible à toutes les couches sociales sans discrimination liée au genre, à l’appartenance ethnique, religieuse ou du statut social. En opérant ainsi, « l’éducation peut être un outil positif pour renforcer la résilience contre l’extrémisme violent, en particulier si l’éducation de qualité intègre des pédagogies et des approches d’enseignement appropriées qui développent chez les élèves des compétences globales qui ne sont pas seulement bonnes pour prévenir l’extrémisme violent, mais qui soutiennent également les traits des citoyens du monde et les qualités que les employeurs recherchent sur le marché de l’emploi » (Education for Preventing Violent Extremism working group paper 1, P.3). Une éducation de qualité doit ainsi permettre de s’attaquer aux facteurs profonds qui incitent souvent à l’extrémisme comme les discriminations et le sentiment d’exclusion, la non reconnaissance de l’égalité des droits et du non-respect de la diversité.
Formation des enseignants sur la prévention de l’extrémisme violent, l’éducation à la paix et à la citoyenneté mondiale.
Le phénomène de l’extrémisme violent est une nouvelle situation dont beaucoup d’acteurs éducatifs dans les pays du Sahel ne maîtrisent pas encore les contours. Comment évoquer un sujet aussi complexe avec ses apprenants alors qu’on ignore complètement le contenu ? C’est à ce défi que font face beaucoup d’enseignants et encadreurs pédagogiques. Pour faire face à ce problème, il serait nécessaire de “prendre le taureau par les cornes” en dispensant une série de formations et de sensibilisations dans les établissements scolaires sur l’extrémisme violent afin de leur donner les outils adéquats pour faire face à cette réalité en milieu scolaire comme être par exemple en mesure d’identifier correctement les personnes les plus vulnérables ou les plus susceptibles d’adhérer aux idéologies extrémistes violentes et pouvoir ainsi prendre les mesures holistiques au sein et en dehors de l’école pour accompagner ces derniers vers le droit chemin.
La nécessité d’adopter une nouvelle méthodologie d’enseignement pour aborder des thématiques comme l’EV.
Le rôle que joue l’enseignant en situation de classe est très déterminant dans la participation et l’évolution de l’élève tout au long du cycle scolaire. L’enseignement tel que c’est pratiqué aujourd’hui dans beaucoup de pays au Sahel se focalisent beaucoup plus sur l’acquisition des savoirs basées sur le modèle de l’assimilation, c’est-à-dire que l’élève se contente juste de retenir par cœur toutes les notions que l’enseignant lui transmet. Cette méthode fait passer l’élève de simple spectateur » de son apprentissage. Or, cette méthodologie à longtemps montré ses limites car elle ne permet pas le développement et l’évolution d’un esprit critique qui permet aux élèves de remettre en question certaines idées reçues. Dans le cadre de la prévention de l’extrémisme violent, le développement de l’esprit critique des apprenants est nécessaire. En effet, en inculquant une pensée critique libre à ces derniers, on leur donne les outils nécessaires pour remettre en question les idéologies qui favorisent les sentiments de division, les discours de haine et des idées violentes des groupes extrémistes. L’enseignant doit donc s’assurer d’adopter une méthodologie qui lui permet d’aborder des thèmes comme l’EV en situation de classe en encourageant ses apprenants à adopter des comportements basés sur les concepts d’acceptation, de multiculturalisme et de la responsabilité civique en prenant le soin de combattre tous les préjugés à l’école et en dehors de l’école.
Réforme des systèmes éducatifs pour introduire l’enseignement de la prévention de l’EV dans les curricula des formations initiales
Comme cité plus haut, la formation des enseignants et des cadres pédagogiques sur comment aborder l’extrémisme violent en milieu scolaire est primordiale pour endiguer ce phénomène. Pour ce faire, il conviendrait de prendre les mesures adéquates pour que les enseignants à la sortie des écoles de formations puissent déjà disposer des compétences et des outils nécessaires pour aborder la question de l’extrémisme en toute assurance et sérénité avec les apprenants en situation de classe. Il est vrai que dans beaucoup de pays du Sahel, une réforme curriculaire n’est pas un processus très aisé car cela demanderait un certain nombre de ressources humaines et financières. Toutefois, vu les nouvelles évolutions sociétales et les défis auxquels font face ces pays, il serait véritablement nécessaire que des comités de réflexion multi-acteurs soient mis en place afin de réfléchir sur comment introduire la prévention de l’extrémisme dans les écoles de formations des enseignants, dans les manuels scolaires et dans les curricula de manière générale afin que la lutte contre l’extrémisme violent soit traité en milieu scolaire avec toute l’attention qu’elle mérite.
Rôle des associations des parents d’élèves dans la prévention de l’extrémisme violent.
On a coutume de dire en Afrique que la première éducation est celle qui provient d’abord du cocon familial. De ce fait, les parents des apprenants doivent prendre conscience du rôle premier qu’ils ont quant à l’évolution du savoir être et du savoir-faire des élèves. Ainsi, les parents d’élèves doivent inculquer dès la maison les concepts citées plus haut à savoir la tolérance, le respect de la diversité, de l’égalité des sexes, la solidarité etc… afin que cela soit un comportement de tous les jours pour les apprenants à l’école et au sein de la communauté. Il incombe également à ces derniers de détecter dès la maison tout comportement ou geste adopté par l’apprenant qui pourrait à moyen et à long terme le pousser à des idées extrémistes afin que ce dernier puisse être pris en charge très rapidement. Les familles doivent donc s’impliquer davantage aux côtés des enseignants dans un effort mutuel afin de répondre efficacement au défi de l’extrémisme violent en milieu scolaire.
Recommendations
- Garantir une éducation de qualité, accessible et inclusive, en luttant contre la discrimination et en promouvant le respect de la diversité.
- Offrir aux enseignants une formation complète sur la prévention de l’extrémisme violent afin de les doter des outils et des connaissances nécessaires.
- Adopter des méthodes d’enseignement qui encouragent la pensée critique des apprenants et remettent en question les idéologies extrémistes.
- Réformer les systèmes éducatifs pour intégrer l’enseignement de la prévention de l’extrémisme violent dans les programmes de formation des enseignants et dans les cadres généraux.
- Encourager la participation des parents à la promotion des valeurs de tolérance et de diversité et à la détection précoce des comportements extrémistes, en travaillant en collaboration avec les enseignants pour lutter contre l’extrémisme violent dans les écoles.
Si vous souhaitez contribuer ou ajouter des ressources supplémentaires en lien avec la thématique de cet article, n’hésitez pas à nous contacter ou à publier directement sur la plateforme ConnexUs dans l’onglet “ressources”.
References
- Education for Preventing Violent Extremism (EPVE)
- Prévention de l’extrémisme violent par l’éducation — Wikipédia
- Prévenir l’extrémisme violent | UNESCO.
- La prévention de l’extrémisme violent par l’éducation
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